Alors que l’Afrique est à la recherche d’une énergie propre, l’intérêt pour le nucléaire augmente. Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), un tiers des quelque 30 pays du monde qui envisagent d’adopter l’énergie nucléaire se trouvent en Afrique. Avec tous les risques que cela comporte.
En Afrique, le cœur des dirigeants battrait de plus en plus fort pour l’énergie nucléaire. Il s’agit d’une énergie qui dépend d’un combustible fissile, l’uranium, dont le minerai est contenu dans le sous-sol de la terre. Au moins sept États africains se sont déjà engagés auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour évaluer leur volonté de se lancer dans un programme nucléaire. Il s’agit du Ghana, du Kenya, de l’Égypte, du Maroc, du Niger, du Nigeria et du Soudan. Selon l’agence, l’Algérie, la Tunisie, l’Ouganda et la Zambie envisageraient aussi cette possibilité. Actuellement, l’Afrique du Sud possède la seule centrale nucléaire commerciale du continent.
Cet intérêt croissant pour l’énergie nucléaire se manifeste, alors l’énergie solaire et l’énergie éolienne ont désormais fait la preuve de leur moindre coût de production pour accroître la production d’électricité en Afrique.
Mais une personne sur trois sur le continent n’a toujours pas accès à l’électricité. Les zones rurales sont les plus touchées. En Afrique australe, par exemple, l’assèchement des barrages hydroélectriques en raison du changement climatique est en partie à l’origine de la volonté des pays de la région d’envisager l’énergie nucléaire. Nonobstant le fait que les centrales nucléaires peuvent également être affectées par la décrue des eaux qui refroidissent leurs réacteurs. Les barrages, comme celui du lac Kariba (lac artificiel partagé par la Zambie et le Zimbabwé), fournissent parfois la majorité de l’électricité à de nombreux pays de la région.
Lors de la réunion sur les possibles exploitations en Afrique de l’énergie nucléaire, qui s’est tenue à Accra la capitale du Ghana en mars 2020, Colin Namalambo, le commissaire de la Commission africaine de l’énergie nucléaire déclarait encore que « L’Afrique s’intéresse à la science nucléaire en général ».
Mais cette énergie est-elle vraiment fiable ?
La question de la fiabilité de l’énergie nucléaire appelle plusieurs réponses. Pour certains pays et organisations internationales, les énergies renouvelables resteraient plus sûres que l’énergie nucléaire, car elles ne produiraient pas de déchets radioactifs, dangereux pour la santé et l’environnement, et ne génèreraient pas d’énormes coûts de construction. Par ailleurs, les énergies renouvelables ne nécessiteraient pas de connexions coûteuses à des réseaux contrairement au nucléaire. D’autant que l’on constate actuellement, en Afrique de l’Est par exemple, que la production d’électricité dépasse déjà la capacité des réseaux à la transporter…
Pour d’autres, l’énergie nucléaire pourrait très bien faire partie des solutions à mettre en œuvre en Afrique contre les coupures d’électricité et offrirait un bilan carbone exceptionnellement bas, au même titre que les énergies renouvelables (sauf qu’il faudra bien arbitrer entre les dépenses…). Mieux encore, le nucléaire ne souffrirait pas, comme l’éolien et le solaire, des problèmes d’intermittence de production. L’Égypte et le Ghana, comme plusieurs autres pays africains, prévoient donc d’aller de l’avant avec leurs projets nucléaires afin d’obtenir une sécurité d’approvisionnement de toutes les sources d’énergie. Il faudra cependant faire preuve de patience et trouver des financements. Selon Benson Kibiti, le directeur de la communication de l’organisation Power For All, qui espère, au cours des dix prochaines années, fournir une énergie fiable à la plupart des 1,1 milliard de personnes dans le monde, il faudrait 10 ans et des milliards de dollars pour mettre en service une seule centrale nucléaire.
Et, même si plusieurs techniciens comme Akor Larbi de la Commission de l’énergie atomique du Ghana déclarent que cette énergie serait « propre et durable », elle pose quand même un immense problème de sécurité. Et, puisqu’il s’agit d’une production d’énergie centralisée, à haut risque et à haute technicité, on peut se demander quels seront les états africains capables de garantir à leur population une fiabilité sans faille, eu égard à ce que représente une catastrophe nucléaire. Du coup, certains parient aussi sur de petits réacteurs modulaires, dont l’installation plus souple est décentralisée. Le risque : une dissémination des déchets nucléaires sur tout le territoire… Alors même que, les énergies renouvelables (désormais matures) ont définitivement fait leurs preuves en matière d’énergie décentralisée et souple, pour donner accès à l’électricité à des territoires faiblement (ou pas du tout) connectés.
Ainsi, le commissaire de la Commission africaine de l’énergie nucléaire préconise-t-il tout de même de mettre en place des cadres juridiques avant que les pays africains ne s’aventurent réellement dans l’énergie nucléaire, notamment des cadres sur la non-prolifération, la sûreté et la sécurité nucléaires. Il y a donc un très long chemin à parcourir pour les chantres de l’énergie nucléaire. Et, pendant ce temps, les énergies renouvelables tracent leur route, munies de nouveaux modèles commerciaux parfaitement viables.
Inès Magoum